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Séminaire Le Cadavre en Représentation
13/12/2021 /15h00 - 17h00
Pouvoirs d’attraction du cadavre
- Cédric Pernette (Sorbonne Université)
Des cadavres au musée au musée-cadavre : la Kunstkamera de Saint-Pétersbourg
La question du statut et de la place des restes humains au musée occupe depuis longtemps les différents acteurs du paysage muséal mondial. De très légitimes interrogations d’ordres éthique et juridique conduisent un nombre croissant d’établissements à retirer les cadavres (ou leurs fragments) de leurs espaces d’exposition.
Dans certains cas cependant les restes humains constituent le cœur de l’identité du musée, et à ce titre ils rendent difficile, voire impossible, la réorientation des collections exposées. C’est le cas du plus ancien musée russe, la Kunstkamera de Saint-Pétersbourg, officiellement fondée en 1714. Lorsque, dans le sillage de ses séjours en Europe occidentale, Pierre le Grand importe en Russie le modèle du cabinet de curiosités, ce dernier est déjà moribond en Europe. Par ailleurs, en plaçant au centre des collections et des espaces d’exposition de très importantes collections anatomiques (acquises notamment auprès du Hollandais Frederik Ruysch, mais aussi constituées en Russie même), le tsar détourne, sans le vouloir, son musée des objectifs didactiques universels qu’il lui avait fixés. Les cadavres de la Kunstkamera occultent jusqu’aujourd’hui les autres collections, et enracinent le musée dans les conceptions muséales du XVIIIe siècle sans espoir d’évolution, faisant finalement de lui un musée mort, un musée cadavre (passionnant à étudier, au demeurant, pour les historiens des musées).
Une série de mesures de « rebranding » est mise en œuvre ces dernières années pour débarrasser la Kunstkamera de son image de « musée des monstres et des mutants » dont le grand public est si friand, et pour valoriser les autres collections, mais ces mesures entrent en conflit direct avec l’impérieuse nécessité économique de continuer à assurer au musée un flux suffisant de visiteurs.
Discutant : Rodolphe Baudin (Sorbonne Université)
- Lætitia Decourt (Sorbonne Université)
Lectures romantiques du cadavre chez Bestoujev-Marlinski et Odoïevski : du gothique au magnétique
La littérature romantique s’est emparée du thème de la mort et de ses représentations aussi bien textuelles que picturales, trouvant là une source intarissable d’effets romanesques ainsi qu’un socle culturel large pour fonder le dualisme idéaliste présidant à la division entre le monde d’ici-bas et le monde des « vraies essences ». Aussi, le romantisme investit la figure du cadavre de différentes manières, mais avant tout en tant que mort-vivant, ходячий мертвец, caricature satirique et symbole de la possibilité d’un autre monde, d’une autre vie. Les rémanences gothiques du cadavre se projettent fort avant dans le xixe siècle, s’appuyant à la fois sur des figures folkloriques (la Svetlana de Joukovski, les rusalki comme chez Somov), sur des ouvrages théoriques (tels que la Théorie des esprits de Stelling) ainsi que sur des interprétations plus ouvertement moralisatrices ou satiriques, comme c’est le cas chez Odoïevski et Bestoujev-Marlinski. Le mort-vivant a une valeur hautement symbolique et expressive, non seulement parce qu’il peut être pris pour un vivant (et par là engendrer une méprise chez les personnages), non seulement parce qu’il évoque une image d’horreur délicieuse (qui peut parfois toucher au sublime), mais aussi parce qu’il représente le double dégradé, souvent parodique, du monde vivant.
Discutante : Victoire Feuillebois (Université de Strasbourg)
La séance se déroulera en hybride
Zoom : https://us02web.zoom.us/j/88257248646?pwd=a2VWdXdqc1ZVN1hTYlFLK1RTNW1adz09
ID de réunion : 882 5724 8646
Code secret : Gp6KUQ