Lætitia DECOURT
Representations of Ukraine and its Inhabitants in Russian-language Literature during the 19th century
This paper aims to examine how the elaboration of imperial nationalist discourse makes use of fictional representations of Ukraine and its people in 19th century Russian literature. Analysis of a series of topoi regarding Ukrainian people (freedom-driven, war-loving Cossacks, colossal but good-natured simpletons, “dancing and singing folk”, sly witches, local versions of Robin Hood fighting Polish tyranny…) allows to show how little this collection of stereotypes evolved during the century. The same goes for representations of Ukraine, more often named Little Russia, or Southern Russia, ranging from the idyllic Avzonija, comparable to ancient Greece and Rome, to a backward country where, nevertheless, true folklore and popular traditions were preserved and awaited their artistic incarnation. Nearly all the writers whose works are briefly analyzed here, Narezhnyj, Somov, Gogol′, Kuprin, Chekhov, concur in showing a country, oppressed by foreigners and ultimately reintegrated in the Russian Empire so as to find its identity: the origin of Russia.
Représentations de l’Ukraine et des Ukrainiens dans la littérature de langue russe au XIXe siècle
L’article examine l’évolution des différentes représentations de l’Ukraine et de ses habitants à travers plusieurs étapes historiques entre la fin du XVIIIe et la fin du XIXe siècle, afin de dégager le rôle de ces représentations dans l’élaboration du discours impérial. Ainsi, l’héritage cosaque, déprécié au début du siècle, puis valorisé par les décembristes, est ensuite retourné par Gogol′ pour en faire le fondement d’une conception nationaliste de la « russité ». La grande part que joue le folklore ukrainien dans la fortune littéraire de l’Ukraine, surtout au début du siècle, permet également de justifier la domination impériale, censée accomplir une mission civilisatrice. La logique centripète d’assimilation à la langue et à l’image de la Russie dans l’Empire est mise en évidence grâce à l’exemple des textes de Narežnyj, Somov, Gogol′, Kuprin, Čexov. Le « texte ukrainien » permet ainsi de mettre en lumière un répertoire d’images et de procédés qui se stéréotypisent au cours du siècle, niant à l’Ukraine une quelconque agentivité historique.
Lubomir HOSEJKO
The Vufku and its Ties to French Cinema
Freed from Moscow tutelage during the period of the New Economic Policy (NEP), the All-Ukrainian Photo Cinema Administration (VUFKU) had broadcasted its first films in Western Europe and in the USA between 1928 and 1930. Thanks to the film clubs and the collaboration of the filmmaker Eugène Deslaw, seven films were screened in France, including two masterpieces of the world cinema – Dovzhenko’s Earth and Dziga Vertov’s Man with a Movie Camera. Emanating from the Henri Herriot’s decree, Censorship of Soviet films was the main obstacle to the establishment of film exploitation with french distribution company Pathé-Nord. The relative economic independence came to an abrupt end in 1930, when VUFKU was absorbed by the Soyuzkino State Film Trust in Moscow.
La VUFKU et ses rapports avec le cinéma français
Affranchie de la tutelle moscovite pendant la période de la NEP, la Direction générale de la photocinématographie d’Ukraine (VUFKU) diffusa ses premiers films en Europe occidentale et aux USA entre 1928 et 1930. Grâce aux ciné-clubs et à la collaboration du cinéaste Eugène Deslaw, sept films furent projetés sur les écrans français, dont deux chefs-d’œuvre du cinéma mondial – la Terre de Dovženko et l’Homme à la caméra de Dziga Vertov. Émanant du décret Henri Herriot, la censure qui frappa les films de production soviétique fut le principal obstacle à l’établissement d’une filière d’exploitation avec la société française Pathé-Nord. La relative indépendance économique prit fin brusquement en 1930, lorsque la VUFKU fut absorbée par le trust cinématographique d’État Sojuzkino de Moscou.
Agnieszka K. KALISKA
The contribution of Albert Kazimirski de Biberstein’s French-Polish Dictionary (1839) to the Development of Interculturality: the Taste for Orientalism
The first objective of the article is to present the Dictionnaire français-polonais [French-Polish Dictionary] of Wojciech (or Albert) Kazimirski de Biberstein, published by Bourgogne et Martinet in Paris in 1839. This little-known dictionary is very interesting because of its author (drogman, orientalist, translator) and because of the impact it probably had on the Vilnius Słownik języka polskiego [Dictionary of the Polish Language] (1861). If it is undoubtedly true that Kazimirski’s dictionary, like any other bilingual dictionary by definition, played a role of intercultural mediation in the Franco-Polish context, the question arises as to where to place and how to interpret in this exchange the traces left by the Near and Middle East, to which Kazimirski was not indifferent. The dictionary contains culturemes such as caaba, calender or kabin, which are practically untranslatable. We propose to examine the lists of terms extracted manually from Kazimirski’s dictionary and to compare them with the data of the biggest and most important French dictionaries of the time : Dictionnaire de l’Académie (1835), Dictionnaire de Littré (1863), de Darmesterer et Hatzfeld (1893) and Trésor de la langue française.
L’apport du Dictionnaire français-polonais (1839) d’Albert Kazimirski de Biberstein au développement de
l’interculturel : le goût de l’orientalisme
Le premier objectif de l’article est de présenter le Dictionnaire français-polonais de Wojciech (ou Albert) Kazimirski de Biberstein, paru aux éditions Bourgogne et Martinet, à Paris, en 1839. Ce dictionnaire, peu connu, est très intéressant en raison de son auteur (drogman, orientaliste, traducteur) et de l’impact qu’il eut probablement sur le Dictionnaire de la langue polonaise de Vilnius (1861). S’il est indubitable que le dictionnaire de Kazimirski, comme tout autre dictionnaire bilingue par définition, ait joué un rôle de médiation interculturelle dans le contexte franco-polonais, il reste à déterminer la place et le rôle des traces qu’y laissèrent le Proche et Moyen-Orient auquel Kazimirski n’était pas indifférent. Son dictionnaire contient en effet des culturèmes comme caaba, calender ou kabin, pratiquement intraduisibles. Nous nous proposons d’examiner les listes des termes extraits manuellement du dictionnaire de Kazimirski et de les confronter aux données des dictionnaires de français les plus importants de l’époque : Dictionnaire de l’Académie (1835), Dictionnaire de Littré (1863), Dictionnaire de Darmesteter et Hatzfeld (1893) et Trésor de la langue française.
Jana KITZLEROVÁ
A Wasted Opportunity? On the Milan Kundera’s Translations of Vladimir Mayakovsky
This paper focuses on the Czech translations of Vladimir Mayakovsky’s poems by Milan Kundera which were published before Kundera’s emigration to France in various Czech regional journals and newspapers. Kundera’s translations are analysed and confronted with Czech renderings by Jiří Taufer, who later became the “court translator” of Mayakovsky in the Czechoslovakia. On the basis of critical assessment of both translation variants by means of lexical and stylistic analysis, it identifies the different attitudes of both translators, and – comparing both translation variants with the Russian original – it pays attention to the structural shifts that occurred during the translation process (mainly in case of Milan Kundera’s rendering). The paper also brings a list of all known and traceable Czech translations of Mayakovsky by Kundera, and it tries to present Milan Kundera as a literary translator, an area rather overlooked by research in context of Kundera’s novelistic work.
Une occasion manquée ? À propos des traductions de Vladimir Majakovskij par Milan Kundera
La présente étude est consacrée aux traductions en tchèque des poèmes de Vladimir Majakovskij réalisées par Milan Kundera avant son émigration en France et publiées dans plusieurs périodiques tchécoslovaques. Les traductions de Kundera y sont analysées et comparées à celles de Jiří Taufer, qui devait par la suite devenir le traducteur attitré de Majakovskij en tchèque. En se basant sur une analyse lexicale et stylistique, l’étude tente de montrer la différence d’approche qui sépare les deux traducteurs, de comparer le résultat de leurs traductions avec l’original russe et de relever les glissements structurels qui ont eu lieu au cours du processus (notamment dans le cas de Milan Kundera). L’étude présente par ailleurs la liste de toutes les traductions en tchèque de Majakovskij par Kundera conservées, et présente Kundera comme un traducteur littéraire, aspect souvent négligé par la recherche, qui s’intéresse avant tout à son œuvre romanesque.
Anna KRZYŻANOWSKA, Piotr KRZYŻANOWSKI, Lidia MILADI
On the French Intensive Structure Quelle galère ! and its Polish Equivalents Co za koszmar ! Ale koszmar !
The aim of the present study, which is situated in the perspective of French-Polish contrastive research, is to examine the exclamatory nominal utterance Quelle galère! and its Polish functional equivalents: Co za koszmar! and Ale koszmar!. Press discourse and current usage of language were examined, especially on social media sites, Facebook, Twitter, and various forums. In both languages, these utterances have the same syntactic structure, consisting of an intensifier (quel (le), co za, ale) followed by a predicative noun: Quel (le)//Co za/ Ale + Npredicative. This syntactic pattern is characteristic of intensive formulas expressing the positive or negative attitude of the speaker. In both French and Polish, the formulas in question express the negative attitude and may be used either alone as a commentary to a situation not presented in the utterance, or in extended structures as a commentary to a situation presented in a right- or left-side context of the analyzed expression (dislocated syntactic structures).
À propos de la structure intensive Quelle galère ! du français et de ses équivalents en polonais Co za koszmar ! Ale koszmar !
Cette étude, se situant dans une perspective contrastive français-polonais, a pour but d’examiner l’énoncé nominal exclamatif Quelle galère ! et ses équivalents fonctionnels polonais Co za koszmar ! et Ale koszmar !. Les formules en question abondent dans le discours de presse et l’usage courant, notamment sur les réseaux sociaux Facebook, Twitter et divers forums. Dans les deux langues, elles partagent le même cadre syntaxique composé d’un intensifieur (quelle, co za, ale), suivi d’un nom prédicatif et servent à exprimer l’attitude négative du locuteur. Aussi bien en français qu’en polonais, les deux formules peuvent être employées, soit seules comme un commentaire qui porte sur la situation immédiate, soit dans des structures plus complexes, dites disloquées, en tant que commentaire sur la situation pouvant être repérée grâce au contexte à gauche ou à droite.
Tat′jana MARČENKO
“Telling A Famous Story In One’s Own Way”: Son of Ivan Bunin and its Criminal and Literary Background
In 1922, the Parisian publishing house « Bossard » issued in French translation the first book by Russian émigré author Ivan Bunin. French critics, like Russians a few years earlier, drew attention to the short story Son, which is set in Algeria at the end of the 19th century. The notorious “Chambige Affair” or the macabre romance that took place in Constantine is the source of the story. The author of the article returns to the real criminal trial that nourished French journalism and literature for several decades at the turn of the 19th and 20th centuries and the vicissitudes of which the Russian writer took advantage. However, the consideration of the poetics turned out to be the Bunin’s very special interpretation of the well-known plot. The article indicates the source of the short story, puts for the first time forward a detailed commentary on it, and offers an interpretation of its poetics based on literary comparative studies.
« Raconter une histoire célèbre à sa façon »: le Fils d’Ivan Bunin et son contexte criminel et littéraire
En 1922, la maison d’édition parisienne de Bossard publie le premier livre de l’écrivain émigré russe Ivan Bunin traduit en français. Les critiques français, comme des Russes quelques années plus tôt, attirent l’attention sur le récit le Fils, qui se déroule à Alger à la fin du XIXe siècle. L’« affaire Chambige » ou l’histoire d’amour et de meurtre qui eut lieu à Constantine était bien connue en France. Profitant de l’allusion d’un critique français, l’auteur de l’article revient sur le véritable procès criminel qui a nourri le journalisme et la littérature français pendant plusieurs décennies au tournant des XIXe et XXe siècles et les vicissitudes dont l’écrivain russe a profité. En observant la poétique, il apparaît que Bunin a interprété cette affaire d’une manière très spéciale. L’article fournit des précisions sur la source de cette histoire, en donne un commentaire dans une perspective comparatiste.
Olena POLOVYNKO
The Media and Literature in Ukraine: the Formal Linguistic Aspect and the Preferences of Ukrainians
As part of the survey conducted in Ukraine, we collected the opinion of the inhabitants of this country about the (desired) languages of the TV programs watched and the press and literature read. The analysis of the respondents’ answers, the study of the legal aspects and the relevant statistical data at the time of carrying out the questionnaire allowed us to reveal an inconsistency between the distribution of roles between Ukrainian (the only official language) and Russian (the language spoken on a daily basis by part of the population) in its fields and the preferences of the respondents and to establish an interdependence between the linguistic practices of Ukrainians and the real sociolinguistic situation in their country. Particular attention is paid in this article to the presence in the media and in the literature of a linguistic hybrid resulting from the contacts of the Ukrainian and Russian languages.
Les médias et la littérature en Ukraine : l’aspect linguistique formel et les préférences des Ukrainiens
Dans le cadre d’un sondage réalisé en Ukraine en 2016, l’A. a recueilli l’avis des habitants de ce pays sur les langues (souhaitées) des émissions de télévision, de la presse et de la littérature. L’analyse des réponses recueillies, l’étude des aspects juridiques et des données statistiques pertinentes au moment de la réalisation du questionnaire ont mis en évidence des disparités dans la répartition des rôles entre l’ukrainien (seule langue officielle) et le russe (langue parlée au quotidien par une partie de la population) et les préférences des personnes interrogées. Cette étude a également permis d’établir une interdépendance entre les pratiques linguistiques des Ukrainiens et la situation sociolinguistique réelle du pays. Une attention particulière est portée dans cet article à la présence dans les médias et dans la littérature d’un hybride linguistique, résultant des contacts entre l’ukrainien et le russe.